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CQFD - Quel intérêt de passer par un fonds à impact ?

Publié par Florian Langlois le - mis à jour à

Dans ce nouvel épisode de "CQFD, la finance décryptée", Vincent Picarello, directeur de participation chez Arkea Capital, vient expliquer l'intérêt de passer par un fonds à impact et comment ces fonds se distinguent des fonds d'investissement classiques. Il revient notamment sur la façon dont les fonds évaluent l'impact RSE des entreprises et les bénéfices que ces dernières peuvent en tirer. Bon visionnage !

Pouvez-vous nous présenter en deux mots Arkea Capital ?

Arkea Capital, c'est la filiale de capital investissement du groupe bancaire Crédit Mutuel Arkea, qui existe depuis 40 ans. Historiquement, nous étions plutôt positionnés sur des opérations de capital développement ou de capital transmission qui visait à accompagner des sociétés matures. Et depuis environ 7 ans, nous avons lancé une activité capital innovation pour accompagner des startups. Je travaille plus spécifiquement dans le fonds à impact qui vise à accompagner des sociétés à impact.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est un fonds à impact et en quoi il se distingue des autres fonds d'investissement plus classiques ?

C'est déjà important de revenir sur la notion d'impact et comment cette notion se différencie de l'ESG. L'ESG vise à améliorer les pratiques des entreprises pour être plus regardantes sur l'environnement, sur la manière dont elles traitent leurs salariés, sur les gouvernances qu'elles mettent en place. Donc on est vraiment sur le fait de savoir comment elles opèrent leur activité. Alors que derrière la notaion d'impact, nous allons plutôt réfléchir sur quelle va être la mission de l'entreprise. Le fonds à impact se distingue des fonds plus classiques parce qu'il va rechercher une double performance : tout d'abord une performance financière, comme les fonds d'investissement classiques, mais aussi une performance extra financière, à savoir l'environnement et le social. Le fonds à impact va donc uniquement accompagner les sociétés à impact, donc des sociétés, dans notre définition, qui accélèrent les transitions environnementales et sociales, qui essaient de répondre à une problématique environnementale et sociale. Le fonds à impact va chercher à mesurer cet impact, et c'est en ça qu'on va se distinguer.

Vous accompagnez des sociétés à impact, pas forcément des sociétés à mission ?

Ca peut aller de paire. L'entreprise à impact souhaite résoudre une problématique. Nativement, lorsqu'elle s'est constituée, elle s'est posée la question de savoir quelle est la problématique qu'elle souhaite résoudre. L'entreprise à mission permet de mettre dans ses statuts la mission de la société et de viser quelque chose qui n'est pas forcément de l'ordre du financier, mais de l'extra financier, et quel est l'apport qu'on va apporter à la société.

Quel intérêt pour une entreprise et pour un directeur financier de passer par un fonds à impact ?

Il y a plusieurs intérêts. Déjà, c'est déjà l'alignement d'intérêts, le fonds à impact va viser les mêmes objectifs extra financiers que la société. Le deuxième, c'est tout l'accompagnement en matière de mesure d'impact. Une société qui mesure bien son impact est capable de communiquer à sa communauté sur la qualité de ses produits ou de ses services en matière environnementale ou sociale.

Comment les fonds contribuent à l'alignement des objectifs financiers, extra financiers de l'entreprise ? Par cette mesure ?

Oui, tout à fait. En fait, l'objectif est vraiment d'avoir un double regard, un regard à la fois financier et un regard extra financier. Le fait de mettre en place ces indicateurs va permettre à chaque fois de piloter la société sous ces deux angles.

Quels sont les critères à prendre en compte pour un directeur financier lorsqu'il évalue la pertinence d'un fonds à impact pour son entreprise ?

Je pense qu'il y en a plusieurs. Il y a probablement le sérieux de la démarche. Je dirais ensuite l'accompagnement que le fonds à impact peut mettre autour de la société. Il faut savoir quels sont les bons indicateurs d'impact, quel pourrait être la feuille de route ESG, parce qu'une société à impact a aussi des objectifs ESG à atteindre. Donc, définir la feuille de route ESG qui sera mise en place. Regarder également tout l'écosystème que le fonds à impact va pouvoir proposer à l'entreprise en matière de bilan carbone, en matière d'analyse de cycle de vie de ses produits.

En tant que fonds, comment évaluez-vous l'impact social et environnemental de l'entreprise dans laquelle vous investissez ?

Dans notre grille d'analyse, nous passons par plusieurs étapes. La première étape est de comprendre quelle est la problématique que souhaite adresser l'entreprise, soit une problématique environnementale, soit une problématique sociale. Il faut s'assurer qu'il y a bien un besoin autour de cette problématique. Le deuxième point va être de passer l'activité de la société à notre propre scoring impact, pour essayer d'évaluer l'enjeu, l'intentionnalité, l'additionnalité et la mesurabilité des activités de la société. Nous allons par la suite réaliser une analyse ESG pour voir quelles sont les externalités générées par la société et quelles sont les mesures qu'il est possible de mettre en oeuvre pour diminuer ces externalités. Il y a enfin la question de la mesure. L'ensemble des indicateurs d'impact qui seront mis et que la société va pouvoir suivre dans le temps et qui va un peu être sa boussole dans le développement de ses futures activités.

Vous avez parlé de critères, quels sont les gros critères les plus suivis ?

Sur la question des enjeux, nous allons regarder quelle est la taille des bénéficiaires ou quelle est la problématique environnementale qu'adresse la société. Ça peut être par exemple lutter contre le gaspillage, ça peut aussi être le fait de diminuer l'empreinte carbone d'une industrie en particulier. Il va falloir comprendre en fait si on est sur un enjeu qui a une grande importance. Sur l'intentionnalité, nous allons essayer d'évaluer pourquoi le dirigeant s'est lancé dans cette aventure pour s'assurer qu'il est sincère dans sa démarche. Sur l'additionnalité, nous allons essayer de comprendre ce que la société fait de différent par rapport à ce que propose le marché et en quoi cela va aller plus loin que ce qui est fait aujourd'hui. On a vraiment de nombreux critères sur l'ensemble de ces analyses.

Est-ce qu'il y a des risques potentiels ou des considérations particulières auxquelles les Daf doivent faire attention s'ils envisagent de passer par un fonds à impact ?

Je ne pense pas, non. On est vraiment un fonds classique, dans le sens où on va aussi chercher à accompagner la société sur plusieurs domaines, nous avons juste, en plus, cette grille de lecture impact qui fait que nous pensons sur le long terme. Cela va permettre de diminuer le risque de la société, augmenter sa résilience, renforcer la marque employeure. Il y a beaucoup de bénéfices à mesurer l'impact et à pouvoir communiquer dessus.

Que se passe-t-il si les engagements des entreprises ne sont pas respectés ?

Dans notre cas, rien du tout. En revanche, nous mettons en place des objectifs d'impact que la société doit atteindre. Généralement on essaye de faire en sorte qu'il y ait un alignement entre ces objectifs d'impact et le plan d'incitation que pourrait avoir le management ou l'équipe de direction.

Pour éviter le greenwashing, les fonds doivent être beaucoup plus exigeants en termes de preuves d'engagement. Qu'est-ce que vous demandez concrètement aux entreprises ?

C'est la grille d'analyse que j'ai décrit. On va vraiment travailler l'ensemble de ces aspects de manière très détaillée avec la société, en prenant aussi des références extérieures, en allant voir en matière de publication académique ce qui est dit sur cette problématique en particulier pour s'assurer qu'en termes de thèse d'impact, on ne se trompe pas. Pour nous, l'essentiel c'est vraiment la thèse d'impact, s'assurer qu'il y a vraiment un impact.

Comment, à votre avis, cette appréciation nouvelle de la valeur, qui n'est plus uniquement financière, va impacter le bilan des entreprises ?

Sur le bilan des entreprises, cela peut avoir un impact sur la marque, le fait que la société arrive à diminuer ses externalités, à adresser une problématique sociale ou environnementale, ça permet quelque part d'avoir probablement une meilleure appréciation vis-à-vis soit des parties prenantes (clients et fournisseurs), soit vis-à-vis de ses clients B2C, parce qu'on voit qu'il y a des sociétés qui ont déjà été impactées par un bad buzz ou par un mauvais impact environnementale. Au-delà du bilan, ça va apporter plus de résilience à la société, qui va essayer de diminuer ses externalités et de diminuer ses risques. Je pense que ça va également renforcer la marque employeur, donc d'attirer davantage les talents qui seront plus enclins à rejoindre une société qui a une mission qui est claire. Enfin, je pense que, dans un monde où les ressources sont limitées, les sociétés ne devront plus uniquement réduire leurs externalités, mais être contributrices pour pouvoir continuer à opérer. C'est surtout la pérennité de la société qui est en jeu en fait.

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